Bakuman - Oeuvre Pro- ou Anti-Jump ?

Publié le par CasualOtaku

Après le succès retentissant de Death Note, et le flop quasi inaperçu de leur version de Blue Dragon, le duo de mangaka Ôba/Obata revient sur le devant de la scène. Bakuman, leur nouveau titre, semble se faire sa place dans les pages du Weekly Jump, parvenant à supplanter quelques locomotives en perte de vitesse, comme Bleach ou Eyeshield 21, dans les classements hebdomadaires (si ça vous tente, voyez les discussions et les statistiques frôlant la maniaquerie de certains intervenant de ce forum).

 

Et là, c’est le bonheur : si je n’ai pas vraiment accroché à Death Note sur la longueur (trop de bla-bla qui tournent en ronds, des stratégies capilotractées fumeuses et fumantes, …), Bakuman a le mérite de souffler un vent d’air frais sur la production shonen du moment. C’est bien simple, on se croirait presque revenu au temps d’Hikaru no Go.

 

Car à l’instar de cette dernière (dessinée par Obata mais scénarisée par Hotta), Bakuman (contraction de bakuhatsu – explosion – et de manga) a l’intelligence (ou l’opportunisme ?) de reprendre les codes du shonen nekketsu (« Plus loin, plus fort, plus vite ! Battons-nous et nous atteindrons nos rêves ! ») pour les transposer dans un milieu au premier abord peu propice à ce genre de scénarios. Anciennement, c’était le jeu de go, maintenant, c’est l’univers des mangakas !

 

Bakuman, un manga nekketsu plein d'énergie !


Qui aurait cru que l’on pouvait être captivé par l’histoire de deux jeunes gens dont le but est de se faire publier dans le Jump ? C’est là que tient la magie d’Obata, qui a pour lui la maîtrise de la mise en page, et la clairvoyance dans le choix des personnes qui l’entourent.

 

 

Histoire

 

Bakuman, c’est avant tout une histoire d’amour. Celle-ci est peut-être aussi l’aspect le moins bon de la série, mais c’est le moteur de l’action :

Mashiro, élève en dernière année de collège, passe ses cours à dessiner la belle Azuki. Il ne le sait pas, mais la demoiselle éprouve elle aussi des sentiment pour lui. Takagi, lui, pense que, si Mashiro et ses dessins s’associaient à lui et ses scénarios, ils pourraient facilement devenir de riches et célèbres mangakas. Devenus potes, Takagi pousse le timide à se déclarer auprès d’Azuki, qui leur annonce alors vouloir devenir seiyû (comédienne de doublage, quoi),  afin, comme par hasard, de doubler un personnage du dessin animé tiré du manga des gars !

Et comme toute comédie romantique qui se respecte dans le monde des manga, il y a une promesse : « Atteignons chacun nos rêves, et je promets alors de t’épouser ! » (ouais, carrément !), avec son corolaire : « D’ici-là, concentrons nous sur nos objectifs, et ne nous contactons que par texto ! ».

 

Quel est le meilleur moyen de voir son manga devenir un animé à succès ? Entrer dans le Jump bien sûr !

 



Heureusement, Bakuman n'est pas qu'une histoire d'amour, loin de là, même si c’est comme ça que débute l’aventure de nos deux compères. Leur route sera semée d’embûches et de rivalité, de rencontres amicales et de dépassement de soi. Du pur nekketsu quoi !

 

Au fur et à mesure des chapitre, l’histoire nous dévoile de nombreux rouages du magazine et du métier de mangaka.

Le tout est mené tambour battant, à 100 à l’heure, avec des sauts dans le temps de parfois six mois dans un seul chapitre. Le ton de l’histoire est assez humoristique, sans tomber dans la franche rigolade (un peu comme pour Hikaru no Go). Notons à sujet une évolution dans le trait d’Obata, qui a tendance à déformer plus qu’à l’habitude la tête de ses personnages lors de ces scènes humoristiques. Pas plus mal, pour ceux qui trouveraient un peu froid les dessins de Death Note.

 

 

Nos héros viennent de recevoir une réponse positive de leur éditeur.

 


Œuvre de commande ou plaidoyer anti-jump ?

 

En 2008, le Shonen Weekly Jump fêtait ses 40 années d’existence. Ce fut l’occasion d’organiser en grandes pompes divers événements commémoratifs et d’ouverture sur le monde, comme par exemple le site multilingue Jumpland, qui proposa d’ailleurs en avant-première la traduction officielle de Bakuman, quelques semaines après sa publication au Japon (une première !)

 

Dans ce contexte, on est en droit de se demander si Bakuman ne serait pas une œuvre de commande, chargée de faire l’autopromotion du magazine. On retrouve ainsi à de nombreuses reprises des allusions aux succès passés du Jump, et ce dernier semble toujours présenté comme la référence ultime dans le paysage manga. Certes, les ventes du magazine sont toujours très hautes, mais sont loin de distancier ses concurrents comme ce fut le cas dans les années 80 et début 90. Le Jump est d’ailleurs dans une grande période de creux, avec très peu de locomotives, et de nombreux titres qui entrent aussi vite qu’ils ne sortent faute de succès rapide.

 

Mais, s’il s’agit d’une œuvre de commande,  il faudrait croire également que, suite au succès de Death Note, Obata et Ôba ont entre leur main un passe-droit en or, leur permettant de nombreuses libertés au sein du Jump.

Car, à côté des allusions complaisantes, on retrouve également de nombreuses critiques acerbes que l’on ne pourrait logiquement tolérer au sein d’un organe distribué au grand public. Et pourtant, les auteurs n’y vont pas de main morte lorsqu’il s’agit de donner leur avis par l’intermédiaire des personnages.

Les classements des séries dans le magazine, reflet de leur popularité, est contestée par un apprenti mangaka, ami des héros. Les relations entre éditeurs, parfois prêts à se tirer dans les basques plutôt que de chercher à faire leur boulot correctement est dénoncée. Bien d’autres critiques sont faites, mais celle que je n’aurais cru voir et qui m’a le plus surpris est celle portant sur le renoncement de l’intention artistique par les auteurs au profit du succès commercial. En gros, les mangaka, pour être publiés dans le Jump, doivent avant tout faire quelque chose de vendeur plutôt que quelque chose d’original, personnel ou artistique. Je ne me voile pas la face, les séries du magazine sont commerciale et je les prends comme tel depuis (presque) toujours, mais de le voir dénoncé tel quel dans leur page, je ne m’y attendais vraiment pas.

 

Le manga oscille toujours sur le fil, afin, je pense, de dire ce qu’il pense sans trop froisser les éditeurs. Un bon dosage tout compte fait, qui laisse la place au plaisir de lecture hors polémique.

Les trois principaux personnages, par Usamaru Furuya (La musique de Marie, Le cercle du Suicide, ...), ami d'Obata.

Publié dans Otakeries

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C
Hum... pas faux... Alors pourquoi l'ai-je pris comme tel ?<br /> Peut-être est-ce dans mon tempérament de vouloir qu'une création, quelle qu'elle soit, dispose d'un minimum de d'intention artistique.<br /> Je crois que ce qui m'a surpris (plus que choqué, j'en suis pas là), c'est l'aveu de cette démarche presqu'à 100% commerciale. <br /> Ca dénote largement par rapport au discours courant (je vois mal un chanteur nous dire ouvertement : "oui, j'ai fait cet album pour la thune, sinon je serais resté dans mon coin").
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P
"En gros, les mangaka, pour être publiés dans le Jump, doivent avant tout faire quelque chose de vendeur plutôt que quelque chose d’original, personnel ou artistique." Me semble pas que c'est une critique.
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C
Oui, on peut espérer que les pistes proposées par les perso du manga, qui sont parfois poussées et assez intéressantes, puissent faire leur chemin chez les éditeurs !<br /> <br /> Gintama, j'ai jamais lu :/ <br /> Je sais juste que as mal de perso sont volontairement très ressemblant à ceux d'autres séries du Jump.
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C
En plus grâce à "Bakuman", le Jump donne l'impression qu'il n'a pas peur de la critique mais au contraire, ce manga apporte plutôt du bon et peut-être qu'un jour le Jump changera sa politique (On peut toujours espérer). EN tout cas, c'est l'impression que ça me donne.<br /> <br /> Mais bon la plus grosse "publicité" pour le Jump, c'est Gintama avec sn héro, Gintoki, qui voit le Jump comme le meilleur magazine.
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